Notre diagnostic territorial

Pendant onze mois, des centaines de Rennaises et de Rennais, soucieux de dresser un état des lieux, objectif et étayé, des réalités locales ont analysé la situation de notre ville sur les sujets essentiels.

La méthode de travail en quelques chiffres :

15 groupes de travail thématiques.

11 mois d’un travail de terrain, d’analyse et d’expertise.

Un document de synthèse de plus de 250 pages.

317 questionnaires « J’écoute » remplis et exploités.

30 sessions de porte-à-porte.

56 rendez-vous bilatéraux réalisés.

140 propositions déjà exprimées.

Les principales données recueillies :

Seulement 1 enfant sur 2 bénéficie d’un mode de garde durable

2 fois moins de policiers municipaux pour la sécurité des Rennaises et des Rennais (0,29 pour 1000 Rennais contre 0,53 en moyenne dans les 25 plus grandes villes de France). 

Seulement 6 kilomètres de voies cyclables sécurisées, c’est l’étendue du Réseau express vélo dont disposent les Rennaises et des Rennais.

5.500 logements construits sur la seule ville de Rennes en 2018

Un constat principal

Rennes,  une ville pleine d’atouts mais dont la gestion manque à la fois d’ambition pour l’avenir et d’exigence dans la qualité de vie du quotidien :

Rennes, la ville du « pas assez ».

Témoignages de Rennaises et de Rennais

Antoine, fonctionnaire territorial, 30 ans :

« Ville agréable à vivre malgré des problèmes de sécurité et de circulation »

Sophie, vendeuse, 54 ans :

« La sécurité. On se fait embêter même la journée.  Avant on pouvait se promener même la nuit maintenant on se fait harceler. »

Carine, retraitée, 66 ans :

« L’ambiance bon enfant se dégrade. Trop d’immeubles, trop d’insécurité. »

Jean-Pierre, chef d’entreprise, 48 ans :

« Les rues pittoresque sont gâchées par la saleté et les dégradations. »

Souad, employée de banque, 42 ans :

« Je suis d’accord pour que le centre soit moins « envahi » par la voiture mais il ne suffit pas d’augmenter le prix du stationnement il faut vraiment que les transports en commun en couverture et en fréquence et en tarification soient adaptés aux besoins de toutes les catégories d’utilisateurs. »

Amélie, étudiante, 23 ans :

« Offre culturelle bien mais trop ponctuelle. Pas assez lissée sur l’année. »

1er constat : Rennes dispose d’atouts remarquables dont les Rennaises et les Rennais ont parfaitement conscience.

Les Rennaises et les Rennais expriment un fort sentiment d’attachement à leur Ville et à leur quartier.

Très faiblement endettée, Rennes dispose de recettes fiscales robustes en hausse continue grâce à un accroissement du nombre de contribuables. Le chômage y est modéré et son tissu industriel est diversifié : l’activité automobile y côtoie par exemple des pôles d’excellence numériques (Pôle universitaire de 66 000 étudiants, Label French Tech, pôle d’excellence Cyber…).

Le territoire de la métropole rennaise accueille encore plus de 6 000 militaires avec notamment une unité spécialisée en cyber-défense et le commandement des SIC (information et communication). C’est aussi un bassin agricole majeur et la présence du SPACE, second salon agricole de France, marque aussi son empreinte sur un plan agro-alimentaire et agro-industriel.

L’attractivité du territoire est encore renforcée par des projets hérités des mandatures précédentes et qui soutiennent cette croissance : 2nde ligne de métro, LGV qui met Paris à moins d’une heure et demi, au sein d’un large pôle multimodal et centre d’affaires en centre-ville. La croissance continue ces dernières années de l’aéroport, s’est subitement essoufflée cet été, conséquence de l’absence de volontarisme dans sa stratégie de développement, laquelle est conçue et mise en œuvre sans que les principales collectivités concernées, Rennes et Rennes métropole, n’aient, paradoxalement, leur mot à dire à sa gouvernance.

La ville jouit également d’une réelle vitalité sur le plan culturel, associatif et universitaire mais l’absence de lisibilité et d’ambition stratégique est régulièrement évoquée. Sur le plan sportif, plusieurs équipes professionnelles résident à Rennes Métropole : le Stade Rennais (le seul grand club de Ligue 1 dépourvu d’une équipe féminine) mais également le CRM Handball (D2), le REC Volley (Ligue A), l’URB (basket, N 2). Pourtant, un nombre significatif d’avis négatifs, exprimés lors de nos travaux et recensés par nos questionnaires, porte sur l’évolution de la ville qui « se dégrade », tend à devenir « trop minérale » et où règne un « sentiment d’insécurité […] palpable ». La Ville doit, en effet, rapidement s’atteler à restaurer la qualité de vie des habitants tout en préparant l’avenir.

2ème constat : Les Rennaises et les Rennais sont inquiets pour leur sécurité, leurs transports en commun et la dégradation palpable de leur qualité de vie.

A la question « Que faut-il améliorer à Rennes ? », ils répondent :

L’exigence environnementale

De nombreux Rennais nous proposent des initiatives concrètes pour aller vers une ville plus verte, comme « Un parc vert dans le centre », « Plus de jardins partagés » et, de façon pressante « Arrêter de couper les arbres en bonne santé ! ». La végétalisation sera effectivement au cœur de la construction de la ville de demain, avec une approche systémique : cours d’école, parking, toitures, trottoirs, etc.

Le besoin d’une meilleure couverture des transports en commun, dans les quartiers périphériques et les communes environnantes, ainsi qu’en amplitude horaire, est également fortement exprimé : « Je suis d’accord pour que le centre soit moins « envahi » par la voiture mais il ne suffit pas d’augmenter le prix du stationnement il faut vraiment que les transports en commun en couverture et en fréquence et en tarification soit adapté aux besoins de toutes les catégories d’utilisateur ».

Sans doute trop prudente et trop gestionnaire, l’équipe sortante s’est contentée d’accompagner l’aboutissement de projets anciens là où les villes voisines prenaient un élan nouveau. Ce manque de vision à long terme se constate dans le secteur des mobilités et de la transition écologique : les axes routiers sont abondamment saturés, les parkings relais du métro sous-dimensionnés et l’offre de dessertes pour le réseau périurbain est faible au regard de l’accroissement de la population à l’échelle métropolitaine. L’utilisation massive de la voiture “solo” a d’ailleurs un impact notable sur la qualité de l’air qui se dégrade d’année en année.

Avec un coût par habitant comparativement élevé, les Rennais sont en droit d’attendre une politique de transports en commun véritablement ambitieuse et incitative. Nous réfléchissons par exemple à la mise en place d’une plateforme unique de services de mobilité, permettant à la fois de trouver le meilleur itinéraire, payer son trajet, valider son ticket, réserver une voiture partagée, débloquer un vélo en libre-service, etc. L’offre de mobilité métropolitaine doit être multimodale, en porte-à-porte, personnalisée et fluide. Pour cela, il faudra intégrer les activités d’acteurs publics et privés, faire confiance aux entreprises rennaises, oser des mobilités nouvelles comme des navettes fluviales propres sur la Vilaine (axe Est-Ouest reliant par exemple Cesson au Rhoazon Park) et s’appuyer sur les technologies offertes par la smart city. Il faut penser l’avenir en imaginant les grands axes de demain, relancer la réflexion autour du RER Rennais, étudier le prolongement des deux lignes de métro pour que celui-ci sorte enfin de la rocade pour desservir, en premier lieu, l’aéroport et le Parc des Expositions.

Viennent ensuite les enjeux de propreté, d’espaces verts et d’urbanisme qui semblent avoir été nettement sous estimés par l’équipe sortante. L’afflux de 2000 habitants par an à Rennes (5000 dans la métropole) nécessite une gestion raisonnée de l’urbanisme et une réorganisation des services à la population (places en crèche, en EHPAD, stationnement, commerces, etc.). Les choix urbanistiques qu’impose l’équipe actuelle (comme les tours) ne permettent pas, en réalité, de lutter contre l’étalement urbain. La densification urbaine passe par une approche métropolitaine qui encourage l’émergence de nouvelles centralités et conduit à investir dans les services afin de ne pas dégrader la qualité de vie.

L’exigence sécuritaire

L’un des premiers « irritants » identifiés via notre questionnaire adressé aux Rennais concerne la hausse des incivilités et de la violence, autant dans le centre-ville que dans les quartiers prioritaires : le Blosne, Villejean, Maurepas en particulier.

Renforcer la sécurité de la ville est le premier souhait exprimé par les habitants, à 24% : « Trop de laxisme à Rennes », « On se fait embêter même la journée, avant on pouvait se promener même la nuit maintenant on se fait harceler ». En toute logique, à la question « Si demain vous étiez maire de Rennes, que feriez-vous en premier ? », les Rennais répondent d’abord améliorer la sécurité (23%) : « La sécurité en centre-ville : finissant souvent tard en plein centre je ne suis pas, en tant que femme, rassurée en allant prendre, soit le métro pour rejoindre le parking relais, soit le bus » ou encore « Il faut rendre la police visible ».

Ce sentiment d’insécurité grandissant chez les habitants est un problème majeur. Il touche en particulier les plus vulnérables : personnes âgées, jeunes, femmes qui rentrent seules chez elles le soir. Pour nous, la sécurité, tout comme la santé publique, n’est pas un sujet de droite ou de gauche. C’est la première des libertés.  D’autres métropoles prennent le sujet à bras le corps. Pourquoi pas Rennes ? Nous devons apporter des réponses fortes, en ramenant le taux de policiers municipaux au niveau de la moyenne des grandes villes et en déployant la vidéo protection qui agit à la fois comme moyen de dissuasion et comme instrument d’élucidation des crimes et délits[1]. Notre approche conduira à travailler sur toute la chaîne : prévention, médiation, sanction. Avec l’embauche de policiers municipaux supplémentaires, l’un des axes de notre projet pourrait être la création d’une « brigade verte » pour prévenir et sanctionner les incivilités qui dégradent le cadre de vie (déchets, urine, mégots, graffitis, déjections canines) et améliorer la propreté de la ville. Nous pourrions réfléchir également à la création d’une brigade de nuit, pour assurer un ilotage, en coopération avec la police nationale, dans les quartiers qui en ont le plus besoin.

L’exigence démocratique :

La participation des citoyens arrive en 3ème position des préoccupations des Rennais qui expriment, à travers cette question, le vœu d’être davantage écoutés et impliqués dans la vie de la ville : « Une consultation citoyenne sur tous les sujets impactants », « des conseils de quartier plus visibles », « Un meilleur dialogue sur les projets de rénovations de quartier avec les principaux concernés (les riverains)… Les riverains doivent s’adapter à des décisions prises par des gens qui ne vivent pas sur place… »

La méthode de gouvernance locale a fait l’objet de nombreuses critiques au cours de nos rencontres : le choix de détruire des dizaines d’arbres là où des villes comme Milan viennent d’annoncer en planter 3 millions, la bétonisation, l’utilisation jugée inappropriée des deniers publics par les budgets participatifs, le développement des tours de grande hauteur sont autant de dossiers sur lesquels les Rennaises et les Rennais interrogés nous ont fait part de leur exaspération et demandent à être entendus.

De surcroît, les citoyens avertis et experts auditionnés sont unanimes à souligner un manque manifeste de transparence dans l’accès aux données financières : quel est le coût réel du budget participatif ? Les transferts de compétences à la Métropole sont-ils profitables aux Rennais et budgétairement efficaces ? Pourquoi tous les documents budgétaires ne se retrouvent-ils pas sur le site internet ? En somme, comment l’argent de nos impôts est-il utilisé ?

L’exigence sociale, sportive et culturelle

Rennes est une ville jeune. Plus de 2.500 enfants naissent chaque année dans notre ville. Près de 38.000 élèves sont scolarisés dans nos écoles, collèges et lycées. Et nous accueillons plus de 60.000 étudiants dans nos universités et grandes écoles. Notre pôle universitaire, 8ème de France par sa taille et son attractivité, génère plus de 10.000 emplois et 600 M€ de retombées économiques.

Mais Rennes, ville éducatrice, doit faire davantage pour sa jeunesse. La capacité d’accueil du service public de la petite enfance est saturée. Les étudiants souffrent d’un coût de la vie élevée, liée aux frais de transports et de logement : trop d’étudiants boursiers (échelons 0 bis et 1) sont par exemple encore exclus de la tarification solidaire du réseau Star. La tarification de nos transports publics n’est pas équitable : nous souhaitons ouvrir le chantier d’une tarification sociale mieux échelonnée et ouverte aux étudiants non boursiers. Par ailleurs, les jeunes, qui prennent une part active dans l’action citoyenne et bénévole, ne voient pas leur engagement reconnu à leur juste valeur, dans une ville qui gagnerait à les valoriser et les soutenir davantage.

En ce qui concerne le sport, les acteurs interrogés déplorent une offre aquatique sous-dimensionnée (à l’échelle de Rennes[1] comme de la métropole), l’absence de stratégie et de moyens sur le sport de haut niveau ou encore le manque de disponibilité des équipements.

Sur le plan culturel, les acteurs de l’offre, variée mais peu lisible, ne sont jamais réunis pour échanger sur leurs activités, pour partager une vision, un calendrier et une stratégie globale. Les grands établissements rennais (Théâtre National de Bretagne, Musée des Beaux Arts, Champs Libres, Musée de la Danse, Opéra) ne sont pas suffisamment mis en synergie. Ceux-ci proposent une offre d’excellence mais sous-dimensionnée pour la métropole. Par ailleurs, il manque une synergie avec les équipements des autres villes de la métropole, notamment quand les communes sont de véritables prolongations de Rennes.

Enfin, il manque à Rennes aujourd’hui un musée d’envergure, à la programmation à la fois contemporaine et grand public, qui rayonne véritablement à l’échelle nationale. Ce lieu culturel au modèle économique hybride, pourrait croiser les arts et le numérique, avec un espace entièrement dédié au jeu vidéo, industrie porteuse dont Rennes héberge de nombreuses pépites[2]. Un grand événement emblématique de l’identité culturelle rennaise et bretonne, qui soit à la fois familial, international et qui mette en mouvement tous les acteurs (culturels, économiques mais aussi les écoles, les commerces, etc.) est aussi une piste à explorer pour créer dans notre ville un grand rendez-vous « vitrine », qui permette à tous les Bretons et au-delà de vivre une expérience inoubliable à Rennes.